lundi 27 juin 2011

Création d'entreprise : attention aux "arnaques"

Un créateur d'entreprise sur deux serait sollicité par des organismes malveillants pour le paiement de diverses prestations pourtant facultatives. Enquête sur une escroquerie en pleine expansion


Le phénomène ne date pas d'hier... mais prend de l'ampleur : de nombreux créateurs d'entreprises sont victimes de tentatives de tromperie en étant sollicités, peu après leur immatriculation auprès du RCS (Registre du commerce et des sociétés), pour le paiement de diverses prestations : insertion dans des annuaires professionnels, paiement de frais de publicité... Le Greffe du Tribunal de Commerce, qui gère le RCS, a donné l'alerte il y a plusieurs mois déjà... Suffisant ? Visiblement non. " Avant, un entrepreneur sur quatre était concerné par ce type de courriers ; aujourd'hui c'est plutôt un sur deux... ", selon le Greffe. Même les auto-entrepreneurs, pourtant dispensés d'immatriculation au RCS, sont également ciblés par ces organismes.



A la limite de la légalité
La manoeuvre est simple. Lorsqu'un entrepreneur officialise la création de son entreprise, entre autres formalités administratives, il doit s'immatriculer auprès du Registre du commerce et des sociétés (RCS). Ces informations, une fois enregistrées, sont rendues publiques, quelques jours plus tard, dans les avis et lesjournaux d'annonces légales , ainsi qu'au Journal Officiel de la République.
Dès lors, des entreprises malveillantes, souvent basées à l'étranger, n'ont plus qu'à récupérer ces informations et contacter ces entreprises nouvellement créées en se faisant passer pour des organismes officiels (Union Européenne, Insee, Régime social des indépendants...).
Dans les lettres adressées aux créateurs, ils leur demandent le paiement de diverses prestations. Leur méthode : faire croire que les 'services' qu'ils proposent sont obligatoires. Par leur appellation et leurs logos trompeurs, ces organismes parviennent à semer le trouble dans l'esprit des nouveaux entrepreneurs. Ces derniers, pensant devoir payer rapidement, ne prennent pas le temps de bien étudier ces courriers, qui, et c'est bien là le piège, précisent en petits caractères que le service proposé est facultatif... Dès lors, ces sociétés sont difficilement attaquables.
Parmi les appelations les plus répandues et qui figurent en haut de ces documents: Info-Siret, Euro-REG, EUR, Info-registre, SRI...


Des montants délibérément faibles
Virginie, qui a déposé les statuts de sa SAS Entre 2 Rétros(fabrication d'accessoires de mode à partir de tissus de voitures), fin décembre 2010, est l'une des victimes de ces pratiques. Dès le lancement de son activité début janvier, elle a reçu " tout un paquet de courriers qui avaient l'air très officiels. Et comme le document reprend votre identité, on a l'impression qu'ils vous connaissent ! " Résultat : Virginie - à tort - a payé une facture d'un montant de 197 € pour une prestation d'enregistrement de son numéro Siret...
"Malins", les expéditeurs choisissent des sommes à payer crédibles, ni trop élevées, ni trop faibles : " Au-delà de 200 € ça fait trop, ils sont assez habiles ", reconnaît Virginie. Habiles également car en général, les entrepreneurs piégés ne souhaitent pas porter plainte pour des montants aussi faibles, à en croire la DGCCRF qui n'a pas encore été saisie sur ce sujet...

L'insertion dans des annuaires professionnels
Parmi les nombreux documents reçus, certains demandent simplement des renseignements et une vérification d'adresse. En remplissant et en renvoyant ces documents, vous signez sans le savoir un contrat d'inscription dans un annuaire professionnel, et allez donc recevoir une facture, suivie de nombreuses relances, réclamant " le montant de la somme qui figurait en petits caractères et en bas du premier document que vous avez reçu ".

Source DGCCRF.

Un laps de temps trop court pour se retourner
Créer son entreprise n'est pas de tout repos : entre les différentes démarches administratives, la pression des premiers résultats... C'est une période stressante, en particulier pour les créateurs qui se lancent pour la première fois dans ce type d'aventure. Ces sociétés malveillantes en profitent et jouent sur la vitesse en envoyant leurs courriers très rapidement. En témoigne Hervé, qui a créé son EURL Hervé Bricole le 23 février 2011 : " le 25, soit 48 heures après, je recevais un premier courrier pour le paiement de la TVA intra-communautaire "...
La plupart du temps, ces courriers donnent une injonction de payer sous 8 jours, et les conditions générales au dos des documents précisent que les demandes de remboursement ne peuvent s'effectuer que par courrier recommandé, dans un délai de 8 jours après signature du document... Quand les entrepreneurs s'aperçoivent de la supercherie, il est souvent trop tard.

Comment ne pas tomber dans le piège ?
Les Tribunaux de commerce organisent des réunions d'informations pour les créateurs fraîchement inscrits au RCS, pendant lesquels ils évoquent ces tentatives d'escroquerie, mais les entrepreneurs sont la plupart du temps livrés à eux-mêmes. Hervé s'étonne encore : " J'avais déjà suivi des formations à la création d'entreprise, notamment à la CCI, mais à aucun moment on ne m'a mis en garde".
Sur le net, les sites de l'APCE et du greffe du RCS préviennent de ces abus. Plusieurs blogs et forums ont également détecté ces 'arnaques' (voir ci-dessous)...

Carmen, qui a crée son agence de consulting le 12 décembre 2010 après 20 ans de travail salarié, était prête à envoyer un chèque de règlement suite à la réception du premier de ces courriers. Heureusement, sa comptable l'avait informée sur ces pratiques, et lui avait bien précisé de ne rien payer... En cas de doute, n'hésitez pas à vous adresser à un expert-comptable. 

Pour les entrepreneurs qui n'en ont pas les moyens, un seul conseil (élémentaire) s'impose : lire attentivement et en intégralité tous les courriers que vous recevez, y compris les astérisques, renvois, et (surtout) les messages en petits caractères.
Les liens utiles pour s'informer
La rubrique " flashs infos " du site du greffe du TDC de Paris.
Sur le site de l'APCE
Sur le site de Gautier Girard
Sur le site de Legavox
Sur le forum des Mampreneurs
Sur le site Marketingprofessionnel.fr
Sur le blog le Citron Pressé