C’est la question qui se pose à tous les porteurs de projets : quel statut choisir lorsqu’on se met à son compte ? Faut-il s’inscrire comme micro-entrepreneur, créer une entreprise individuelle, immatriculer une société ou préférer le portage salarial ? Las, le statut parfait n’existe pas. Il dépend de la situation de chacun : une mère de deux enfants propriétaire de sa maison ne choisira pas le même montage juridique qu’un jeune homme marié sous le régime de la communauté de biens. Pourtant, tous deux veulent ouvrir une boutique ! Nous avons donc pris le parti de comparer les statuts selon les objectifs visés.

La micro-entreprise : pour tester son marché

Le statut idéal pour démarrer une activité : l’inscription est gratuite, les démarches, rapides, se font en ligne (cfe.urssaf.fr). On est exempté de TVA et le montant des charges (cotisations sociales et impôts), plafonnées à 24,2% des recettes, est calculé en fonction du chiffre d’affaires réalisé. Autrement dit, si l’on n’effectue aucune vente, on ne paie rien. Bref, avec ce statut, même si le projet ne fonctionne finalement pas, on ne prend aucun risque, d’autant qu’il est très simple à abandonner. C’est pourquoi il est tellement prisé : l’an dernier, selon l’Insee, 44% des 308.300 créateurs d’entreprise l’ont adopté. Pour pouvoir en bénéficier, il faut réaliser moins de 70.000 euros de chiffre d’affaires par an lorsqu’on vend des services et moins de 170.000 euros si l’on propose des biens. Au-delà de ces plafonds, changez de statut.

L’entreprise individuelle : pour des prestations intellectuelles

Le statut d’entreprise individuelle, très facile à mettre en œuvre, est tout indiqué si l’on souhaite proposer des prestations de service : conseil, codage informatique ou production de contenus Web, par exemple. De fait, ce type d’activités nécessite un investissement limité. Du matériel informatique et un bureau pour travailler peuvent suffire. «Un financement extérieur d'importance est inutile, souligne Muriel Forest, associée et responsable juridique d’In Extenso (expertise-comptable). Avec un niveau d’endettement probable très limité, il y a peu de risque pour que d’éventuels créanciers veuillent saisir vos biens.»
Qui dit entreprise, dit en effet unité de patrimoine : les avoirs de l’entreprise se confondent avec votre patrimoine personnel. En cas de difficulté, c'est vous qui devrez éponger les dettes et seule votre résidence principale sera épargnée. Pour obtenir le statut d’entreprise individuelle, il suffit de faire la demande au Centre de formalité des entreprises (CFE). L’an dernier, 182.000 personnes ont effectué la démarche, soit 20% de plus qu’en 2017.

L’Eurl : pour racheter un commerce

Contrairement à ce que son nom indique, l’Entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée n’est pas une entreprise, mais une société : c’est l’équivalent de la fameuse Sarl pour une personne seule. Le patrimoine du dirigeant est distinct des actifs de la société. En cas de problèmes financiers, on ne peut vous ponctionner qu’à hauteur des sommes investies. Vos biens personnels ne sont pas touchés, sauf s’ils vous ont servie de garantie pour un prêt bancaire. Côté régime social, le gérant-associé unique est affilié à la Sécurité sociale des indépendants. Ses cotisations lui coûteront donc de 10 à 20% moins cher que s’il était au régime général. «Cela peut s’avérer judicieux pour des gens jeunes et en bonne santé démarrant leur carrière professionnelle», assure Muriel Forest. Reste que les statuts de l’Eurl sont rigides et peu adaptables. Bilan : «Pour racheter un commerce de quartier, ce statut peut être suffisant. En revanche, estime Géraldine Morris-Becquet, avocate associée au cabinet BMB, si on a l’ambition de créer un réseau de franchise, mieux vaut se structurer en Sasu.» L’an dernier, 74.400 créateurs ont créé une Eurl.

La Sasu : pour les projets ambitieux

Si, dès le départ, votre ambition est de croître vite, lancez-vous en Sasu, Société par actions simplifiées unipersonnelle. C’est la formule la plus évolutive qui existe. Avec elle, vous pouvez décider, en cours de route, de faire entrer des investisseurs ou de prendre des associés. «La Sasu, c’est la souplesse et l’agilité», confirme Sébastien Ecault. Le fondateur d’E-cobot a levé 1,6 millions d’euros deux ans après la création de sa société, sans changer de statut. «On peut envisager l’arrivée d’associés, définir leur rôle et même prévoir de préserver leur anonymat. On est libre d’écrire ce que l’on veut : le fondateur créé un règlement sur mesure», confirme Me Morris-Becquet.
Le dirigeant est affilié au régime général de la Sécurité sociale. Il est donc couvert comme un salarié, à l’exception de l’assurance-chômage. Enfin, en matière de rémunération, il peut opter pour un salaire mensuel très bas tout au long de l’année, assorti de dividendes confortables en fin d’exercice, si les affaires ont été florissantes. De cette façon, il «n’entrave pas la croissance de la société», souligne Isabelle Cadoret, fondatrice de Happy Kits. L’an passé, 122.670 créateurs ont adopté cette solution souple et dans l’air du temps.

Témoignage : Pascal Grémiaux, président-fondateur d’Eurécia (logiciels de RH)

Pascal Grémiaux, président-fondateur d’Eurécia. - © Eurécia.
«Aujourd’hui, je dirige 70 collaborateurs et nous réalisons 5,2 millions d’euros de chiffre d’affaires. Mais quand j’ai créé Eurécia, en 2006, j’étais seul. Je vendais des prestations informatiques en attendant de pouvoir commercialiser mon premier logiciel. Pourtant, dès le départ, j’ai choisi le statut de SAS, avec 30.000 euros de capital. Une EURL à 1 euro, ça ne fait pas sérieux vis-à-vis des partenaires. Cette dimension psychologique est importante. Et les aspects pratiques le sont aussi : grâce à ce statut, j’ai donné des parts de la société à une personne que je ne pouvais pas rémunérer et je les lui ai rachetées ensuite. La Sasu, c’est l’évolutivité : je ne ferme pas la porte aux investisseurs même si je reste attaché à ma liberté.» eurecia.com Avec la Sasu, je ne ferme pas la porte aux investisseurs.”

Profession libérale : ça n'est pas un statut !

«Profession libérale, c’est une activité, pas un statut», prévient tout de go Géraldine Morris-Becquet, avocate associée au cabinet BMB. Certaines professions libérales, comme les médecins ou les architectes, sont dites «réglementées», d’autres ne le sont pas, les consultants par exemple. Mais aucune n’impose le statut sous lequel vous exercez votre activité.
Plus d’infos : unapl.fr, cnpl.org

Coopérative et portage : deux solutions pour se salarier

Si vous travaillez dans le conseil, la formation ou l’artisanat (pour les CAE), plusieurs options s’offrent à vous.
  • 1 - Devenir salarié d’une coopérative d’activités et d’emplois (CAE).
Cette structure encaisse votre chiffre d’affaires et vous reverse un salaire. Pour une activité de conseil, par exemple, vous touchez environ 40% de votre C.A. Vous devenez «entrepreneur salarié» et cotisez au régime général de la Sécu. Le dispositif concerne 11.000 entrepreneurs.
copea.fr, cooperer.coop
  • 2 - Faire appel à une société de portage salarial.
Là aussi, la structure touche vos honoraires à votre place et vous les reverse sous forme de salaire, en prélevant une commission. Vous gagnez de 43 à 49% net du montant de vos factures et êtes affilié au régime général de la Sécurité sociale. En France, 75.000 personnes seraient ainsi «portées».
uneps.org, peps-syndicat.fr