mercredi 26 février 2014

Pourquoi il faut éviter la répartition égale du capital de départ ?

Création d'entreprises : pourquoi il faut éviter la répartition égale du capital de départ ?

LE CERCLE. Lors de la création d’une société, les associés choisissent souvent une répartition égale du capital de départ. Cette décision, perçue comme juste au moment de la création, s’avère souvent problématique par la suite. Les associés qui s'investissent le plus dans l'entreprise perçoivent la répartition égale du capital comme étant injuste à long terme, ce qui représente une source de conflit.

La création d’entreprises, une aventure humaine
Anne et Dominique, deux amies, ont décidé de créer ensemble une entreprise. Anne a eu l’idée et a monté le projet. Dominique a trouvé l’idée intéressante et a proposé d’y participer. Au moment de la création, parmi toutes les décisions à prendre, Anne et Dominique doivent choisir la répartition du capital : elles décident très rapidement pour une répartition 50/50 où chacune apporte 20 000 €.
Un an plus tard, la nouvelle entreprise commence à être connue. Anne, qui a quitté son emploi au moment de la création, s'investit à fond dans la société. Dominique, qui avait pourtant promis de rejoindre également la société, est toujours salarié à plein temps et aide Anne de manière assez irrégulière, sur des tâches ponctuelles. Dominique vient d'apprendre qu'elle est enceinte et se dit qu'elle aimerait profiter de sa grossesse et de son enfant.
Deux ans plus tard, un investisseur en capital-risque est prêt à investir 250 000 € pour 25 % de la valeur totale de la jeune entreprise, offrant ainsi, pour la première fois, une évaluation externe et objective de la société à 1 million d'euros. Lorsqu’elle voit ces chiffres, Anne commence à regretter la décision de répartir le capital de départ 50/50. La réussite de l'entreprise c'est la récompense des efforts qu’elle a faits pendant deux ans : travailler jour et nuit et renoncer à toute vie personnelle. Mais, finalement, Dominique, qui n'a pris aucun risque et a continué sa vie normalement, aura gagné autant d’argent qu'elle. Cela ne semble pas du tout juste à Anne.
Les associés choisissent souvent une répartition égale du capital de départ
Lors de la création d’une société à plusieurs, la répartition du capital entre les associés est une décision très importante. Elle est susceptible d’avoir des répercussions à long terme sur la relation entre les associés et donc sur le succès de l’entreprise. Parmi les facteurs pris en compte dans la répartition du capital, on peut noter la parenté de l’idée, l’apport financier et matériel de chaque associé, l’investissement dans l’entreprise, les compétences (techniques, commerciales, marketing) des associés. Alors que beaucoup de ces éléments sont très incertains au moment de la création, les statistiques montrent qu’une grande partie des entrepreneurs optent très rapidement (pendant le premier mois) pour une répartition égale du capital.
La répartition égale est perçue comme étant juste au départ 
Pour une bonne entente future, il est nécessaire que la répartition du capital de départ soit considérée juste par tous les associés. Un associé peut porter un jugement sur :
1) Les règles et les procédures utilisées pour se mettre d’accord sur la répartition du capital (justice procédurale)
2) Sa participation au capital relativement à ses investissements dans l’entreprise (justice distributive)
3) Ou sa participation par rapport aux autres associés (théorie de l’équité). Au moment de la création de l’entreprise, les associés ne connaissent pas exactement leurs investissements futurs.
Ils ne disposent pas non plus d'une procédure claire pour établir l’importance relative de l’idée, des apports financiers et matériels et des compétences de chacun dans la réussite de l’entreprise. Par conséquent, ils ont tendance à se référer à la théorie de l’équité, qui met l’accent sur la comparaison entre les associés. Celle-ci favorise la répartition égale du capital où chaque associé reçoit la même part que les autres. Par ailleurs, la règle qui consiste à diviser le capital en parts égales est simple et objective, ce qui garantit une justice procédurale aux yeux des associés.
La répartition égale du capital est perçue comme étant injuste a posteriori
Avec le développement de l’entreprise, l’investissement réel de chaque associé dans le projet et sa contribution au succès deviennent plus clairs. L’investissement réel dans l’entreprise peut être différent de celui prévu au départ pour plusieurs raisons : raisons familiales (naissance des enfants, déménagement), raisons liées à la santé (maladies), choix professionnels (décision de garder un emploi salarié), etc.
Par conséquent, les associés ont tendance à juger après coup la répartition du capital en faisant appel à des considérations liées à la justice distributive qui préconise que les bénéfices doivent dépendre des efforts et contributions de chacun. Lorsqu’il y a plusieurs associés, il est très peu probable que leur investissement dans l’entreprise soit égal. Dans ce sens, la règle du partage égal a très peu de chances d’être perçue comme juste a posteriori. Cela explique pourquoi les associés qui s'investissent le plus dans la société ne sont généralement pas satisfaits à long terme avec une répartition égale du capital.
L'investissement dans l'entreprise, l'élément le plus important à long terme
Au moment de la création, les associés devraient être conscients que la règle de répartition égale du capital, qui semble la plus facile et la plus juste au début, n’est pas la meilleure solution pour assurer une bonne entente dans le futur. À long terme, le critère le plus important pour juger la répartition sera l’implication dans l’entreprise.
Les associés devraient donc accorder plus d’importance à l’investissement futur dans l’entreprise et à la contribution relative de chacun au succès comme critères de partage qu’à des considérations présentes. Malheureusement, en raison de l’incertitude inhérente au développement de l’entreprise, l’investissement futur est difficile à évaluer dans les premières phases de la création.
Répartition dynamique du capital
Un premier conseil qu’on peut donner aux créateurs est de retarder la décision de répartition du capital le plus possible, jusqu’au moment où les rôles et les engagements de chacun par rapport à l'entreprise ont été discutés en détail. Même si la décision finale reste une répartition égale du capital, le fait que cette décision ait été prise une fois l’engagement de chacun discuté, donc en connaissance de cause, rend ce partage plus acceptable par tous les associés. Un autre conseil est de favoriser une répartition dynamique du capital, qui consiste à se donner la possibilité de modifier le pourcentage dans le futur.
Une manière d’implémenter ce partage dynamique consiste à imaginer des scénarii qui tiennent compte de l’implication de chacun dans l’entreprise. Par exemple, si un des associés s’engage à rejoindre l’entreprise à plein temps et ne le fait pas, il peut s’engager dès le départ à accepter une baisse de sa participation au capital en revendant une partie du capital à ses associés à un prix fixé à l’avance.     
Article coécrit avec Anisa Shyti
http://lecercle.lesechos.fr/221148892/anisa_shyti

source : http://lecercle.lesechos.fr/entrepreneur/creation-dentreprise/221192040/creation-dentreprises-pourquoi-faut-eviter-repartition-e