vendredi 10 mai 2013

EIRL : option juridique ouverte à tout entrepreneur indiviuel

Jean-Baptiste Rozès

EIRL : option juridique ouverte à tout entrepreneur indiviuel

Par Jean-Baptiste Rozès - Avocat | 06-05-2013 | 0 commentaire(s) | 378 vues

L’EIRL n’est pas une nouvelle forme juridique d’entreprise mais une option juridique ouverte à tout entrepreneur individuel depuis le 1er janvier 2011. Une EIRL reste toujours une entreprise individuelle, mais l’EIRL bénéficie d’une responsabilité limitée.

L’article L. 526-6 al.1 du Code de commerce dispose ainsi :

« Tout entrepreneur individuel peut affecter à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel, sans création d'une personne morale. »

L’EIRL permet à tout entrepreneur individuel créateur ou qui exerce déjà une activité commerciale, artisanale, libérale ou agricole quelque soit son chiffre d’affaires :

- de protéger ses biens personnels des risques liés à son activité professionnelle, en dédiant à son activité professionnelle un  patrimoine « affecté » ; les créanciers professionnels de l’entrepreneur individuel ne pouvant poursuivre que le patrimoine affecté et les autres créanciers ne pouvant poursuivre que le patrimoine non affecté,
- sur option, d’acquitter l’Impôt sur les Sociétés sur les bénéfices dégagés par son activité, tout  en restant en entreprise individuelle.

Tous les entrepreneurs individuels peuvent créer une EIRL. Sont donc concernés les auto-entrepreneurs, les commerçants, les agents commerciaux, les artisans et les professions libérales. L'entrepreneur individuel peut opter pour le régime de l'EIRL en cours de vie de son entreprise. L'opération n'entraîne aucune plus-value, elle est neutre sur le plan fiscal.

Les entrepreneurs exerçant leur activité sous forme de société sont, en revanche, exclus.

1 Une responsabilité limitée

L'entrepreneur déclare les biens professionnels nécessaires à son activité : ce sont entre autres, les matériels, machines, droits au bail, ou encore les bâtiments utilisés à des fins professionnelles.

Sa responsabilité de dirigeant ne sera engagée que sur la base de ces seuls biens affectés au patrimoine de l'entreprise.

Créer une EIRL consiste donc pour l’entrepreneur individuel à délimiter son patrimoine privé de son patrimoine professionnel.

L’entrepreneur doit lister l’ensemble de ses biens professionnels, indispensables ou bien simplement utilisés dans le cadre de son activité professionnelle.

Cette liste constitue la déclaration d’affectation que l’entrepreneur doit déposer au greffe ou au registre des métiers pour pouvoir être consultée par ses créanciers dont le gage est limité à ces biens affectés.

Ainsi, désormais, l'entrepreneur doit déclarer ce qui est saisissable, et non plus ce qui est protégé.

La déclaration d'affectation est déposée par l'entrepreneur au centre de formalités des entreprises (CFE) qui se chargera de la transmettre :

- au Registre du commerce et des sociétés (RCS) pour les commerçants,
- au Répertoire des métiers (RM) pour les artisans,
- au Registre tenu par la chambre d'agriculture pour les exploitants agricoles,
- au Registre spécial des agents commerciaux (RSAC) tenu au greffe du tribunal de commerce pour les agents commerciaux,
- au greffe du tribunal de commerce pour les auto-entrepreneurs dispensés d'immatriculation et pour les professionnels libéraux.

L'évaluation de ces biens doit être réalisée par un expert (expert-comptable ou commissaire aux comptes) pour les biens mobiliers dont la valeur unitaire dépasse 30.000 , et par un notaire pour les immeubles.

Chaque année, le dirigeant de l'EIRL doit déposer ses comptes. Ce dépôt sera l'occasion d'actualiser le patrimoine affecté, aussi bien en consistance qu'en valeur.

En application de l’article L. 526-12, al.2 du Code de commerce, la déclaration d'affectation de patrimoine d'un entrepreneur, lors de l'adoption du statut de l'EIRL, est opposable aux créanciers dont les droits sont nés avant le dépôt de cette déclaration au registre de publicité légale, à condition que l'entrepreneur le mentionne dans sa déclaration et en informe personnellement les créanciers dans le mois suivant le dépôt de la déclaration.

Ces créanciers peuvent alors s’opposer, devant les tribunaux, à la déclaration.

Pour faire valoir leurs droits, les créanciers professionnels ont pour unique garantie le patrimoine affecté de l’entreprise. Ils ne peuvent pas saisir le patrimoine personnel du chef d’entreprise pour se rembourser.

Une question restait en suspens : l'entrepreneur qui n'a pas respecté ces conditions peut-il rendre sa déclaration opposable aux créanciers antérieurs en la modifiant après le dépôt de la déclaration ?
Dans un avis CCRCS n° 2013-004 du 30 janvier 2013 mis en ligne le 10 avril 2013 (www.justice.gouv.fr), le Comité de coordination du registre du commerce et des sociétés a répondu par la négative.

L'entrepreneur ayant adopté le statut de l'EIRL ne peut pas modifier sa déclaration d'affectation de patrimoine après son dépôt afin de la rendre opposable aux créanciers antérieurs.
Le Comité a justifié sa position en faisant valoir que la modification postérieure de la déclaration pourrait remettre en cause l'équilibre des contrats qui ont déjà été conclus et créerait une insécurité juridique trop grande pour les créanciers antérieurs, ces derniers risquant de se voir opposer une déclaration d'affectation de patrimoine à tout moment de la vie de l'EIRL.

L’EIRL ne protège pas non plus des créanciers non professionnels : ils pourront se garantir sur le patrimoine non affecté, auquel s’ajoute le bénéfice du dernier exercice comptable si le patrimoine personnel est insuffisant pour couvrir les dettes.

Attention ! Le chef d’entreprise qui retiendra une valeur de patrimoine supérieure à la valeur réelle du bien ou à l’évaluation de l’expert, sera personnellement responsable pendant 5 ans de ses dettes professionnelles sur la différence entre les deux valeurs.
2 Régime fiscal : option à l’Impôt sur les Sociétés

Autre nouveauté : l’EIRL offre  la possibilité de choisir son régime fiscal. Elle peut soit rester à l’impôt sur le revenu (IR), soit être soumise à l’impôt sur les sociétés (IS), sans avoir besoin de transformer l’entreprise individuelle en société. Une simple option formulée auprès du Centre des impôts suffit pour changer de régime fiscal.

Ainsi, Impôt sur le revenu ou sur les sociétés, L’EIRL a le choix. Mais attention, cette option est irrévocable. L’entrepreneur doit bien mesurer toutes les conséquences de ce changement.

Avant de décider, différents paramètres sont à prendre en compte. En premier lieu, l’impact sur l’imposition des revenus mais pas seulement. La capacité d’autofinancement de l’entreprise, le revenu disponible du chef d’entreprise ou encore son niveau de couverture sociale seront des paramètres à prendre en compte.

Le mécanisme de l’IS est à double détente.

L’EIRL paie d’abord l’impôt sur les bénéfices qu’elle réalise.

Une différence à noter par rapport à l’entreprise individuelle « classique » : la rémunération du dirigeant de l’EIRL est déductible du résultat, et donc de la base de calcul de l’IS.

L’EIRL paie ensuite l’IR sur la rémunération qu’il perçoit, ainsi que sur la part de bénéfice qu’il s’octroie. Il bénéficie des abattements en vigueur.

Il faut également garder à l’esprit qu’opter pour l’IS, c’est aussi modifier la base de calcul des cotisations sociales.

En effet, les cotisations sociales ne seront calculées que sur les revenus effectivement prélevés par le chef d’entreprise, qui reste travailleur non salarié. Alors que dans le régime « classique » de l’entreprise individuelle, les charges sociales sont calculées sur le bénéfice, que celui-ci soit prélevé ou non par le chef d’entreprise.

Concrètement, pour une entreprise à l’IS, la base de calcul des cotisations sociales sera composée :

du prélèvement de l’exploitant, c'est-à-dire de sa rémunération,
des revenus de capitaux mobiliers supérieurs à 10 % de la valeur du patrimoine affecté ou supérieurs à 10 % du bénéfice si celui-ci dépasse le patrimoine affecté.

Opter pour l’impôt sur les sociétés offre donc l’avantage de ne soumettre à l’impôt et aux charges sociales que les seules rémunérations effectivement perçues. Ce schéma peut favoriser la capacité d’autofinancement de l’entreprise.

Toutefois, le choix doit prendre en compte le caractère irrévocable de l’option, les conséquences en termes de traitement des plus-values ou encore sur le niveau de couverture sociale du chef d’entreprise.
Par Maître Rozès


source : http://www.juritravail.com/Actualite/creer-entreprise/Id/63781