mardi 2 février 2016

Micro-entreprise vs portage salarial, la liberté à la carte

Micro-entreprise vs portage salarial, la liberté à la carte

Salarié porté ou micro-entrepreneur, quel statut choisir pour goûter l’indépendance ?
Micro-entreprise vs portage salarial
Micro-entrepreneur (ex-auto-entrepreneur) ou salarié porté ? Aux créateurs d’entreprises désireux de se lancer dans une activité de travailleur indépendant, le droit français offre le choix entre deux statuts qui semblent rencontrer un succès sans cesse croissant. La raison ? C’est qu’ils présentent, l’un et l’autre, des modalités de fonctionnement correspondant au profil des différentes catégories de candidats à la création d’entreprise. D’un côté, ceux qui souhaitent tester la validité de leur projet, et de l’autre, ceux qui disposent d’une compétence reconnue. Charges, revenus, avantages et contraintes diffèrent toutefois en fonction du profil du travailleur et du régime.

par Didier Willot
Malgré un recul qui devrait s’établir aux environs de 4 % pour l’année 2015, une fois les chiffres définitifs établis, la création d’entreprise continue à se porter relativement bien en France. Tous secteurs d’activité confondus, on compte chaque mois en moyenne plus de 40 000 personnes qui accomplissent toutes les formalités leur permettant d’exercer officiellement le métier de chef d’entreprise. Et parmi elles se trouve une bonne moitié de travailleurs indépendants qui ont la possibilité d’opter entre deux statuts différents : soit celui d’auto-entrepreneur (ou micro-entrepreneur depuis le 19 décembre 2014), soit celui de salarié rémunéré par une société spécialisée dans le portage salarial (appelé salarié porté). Lequel choisir ? “Tout dépendra en fait de la situation propre à chacun des candidats à la création d’entreprise, répond Laure Thiébault, juriste à l’APCE (Agence pour la création d’entreprise). En effet, si les conditions d’accès à l’un ou l’autre de ces deux régimes sont tout à fait comparables, il existe des différences significatives entre les modalités de fonctionnement de chacun d’eux.”

Une règle de base identique

Les conditions d’accès tout d’abord. Elles sont pratiquement identiques. Pour prétendre au statut de micro-entrepreneur comme à celui de salarié porté, la règle de base est la même : il faut exercer son activité en tant que travailleur indépendant. Ce qui veut dire qu’ils ont, l’un et l’autre, l’obligation de démarcher eux-mêmes leurs clients et de négocier librement avec eux aussi bien les modalités d’exercice de leur mission que le montant de leurs prestations. C’est évidemment le cas pour les auto-entrepreneurs, qui sont de véritables entrepreneurs immatriculés soit au Registre du commerce et des sociétés soit au Répertoire des métiers et exerçant leur métier sous le régime de l’entreprise individuelle.
Mais c’est aussi le cas pour les salariés portés qui doivent désormais justifier d’un niveau d’expertise, de qualification et d’autonomie suffisant pour leur permettre de rechercher eux-mêmes leurs clients. Le moyen d’éviter tout risque d’abus ou de dérive en la matière ? La rémunération d’un salarié porté ne doit en aucun cas être inférieure à 75 % du plafond de la Sécurité sociale, soit actuellement 2 380 euros bruts par mois pour un travail à temps plein. Une disposition qui figure dans une ordonnance récente en date du 2 avril 2015, dont l’objet est de donner une base juridique solide au statut de salarié porté, prioritairement aux cadres, et de le distinguer de celui de travailleur intérimaire. Contrairement à une décision de la Cour de la cassation intervenue quelques mois plus tôt qui déclarait l’inverse, ce texte a en effet clairement précisé qu’une entreprise de portage salarial – ce qui marque la différence avec les sociétés de travail intérimaire – n’est aucunement tenue de fournir un travail aux salariés qu’elle porte.

Une véritable alternative

Résultat : le régime du portage salarial, qui n’a cessé de monter en puissance depuis son apparition dans le droit français dans les années 1980, se présente aujourd’hui comme une véritable alternative au système de l’auto-entreprenariat tel qu’il a été fixé par la loi de modernisation de l’économie du 2 août 2008.
Toutefois, si ces deux statuts s’adressent tous deux à des personnes désireuses d’exercer leur profession de manière totalement indépendante (sans aucun lien de subordination avec celui qui les emploie), les modalités de fonctionnement des deux dispositifs sont bien différentes.
La première différence concerne le circuit des paiements. Dans le système du micro-entreprenariat, c’est l’auto-entrepreneur lui-même qui facture ses prestations et qui se charge du recouvrement des sommes correspondantes. Ensuite, comme tout entrepreneur, c’est toujours lui qui déclare régulièrement son chiffre d’affaires à l’Urssaf et acquitte le montant de ses cotisations sociales. À noter à cet égard que, à la différence de l’entrepreneur individuel traditionnel, le micro-entrepreneur se voit appliquer un prélèvement libératoire forfaitaire inférieur, représentant environ quart de ses recettes pour les professions libérales, et quelque 15 % pour les activités de vente de marchandises. Autre avantage : il n’est tenu de payer ses charges que lorsque les sommes dues par ses clients lui ont été effectivement versées.

Un système tripartite

En revanche, dans le système du portage, le consultant porté devient le salarié de la société de portage pendant la durée de la mission au travers, soit d’un contrat à durée indéterminée, soit d’un contrat à durée déterminée. Les deux options sont possibles, le CDI étant adapté aux missions récurrentes. Conséquence logique : c’est la société spécialisée qui adresse – à son propre en-tête – une facture commerciale équivalente au montant des honoraires prévus. Et c’est ensuite la société de portage qui établit le bulletin de paie correspondant au nom du salarié qu’il porte. Un système tripartite qui rend le système du portage salarial relativement coûteux pour celui qui le choisit. “En effet, explique Éric Atlani, président de la société Concretio, spécialisée dans le portage de prestations informatiques intellectuelles (17 millions d’euros de chiffres d’affaires en 2015 pour environ 200 missions gérées), les sociétés de portage se rémunèrent sous la forme d’un pourcentage de la facturation qui couvre une palette de services comprenant le paiement anticipé du salarié ainsi que la gestion de ses frais de mission. Pour le reste, elle acquitte le paiement des cotisations sociales au bénéfice du salarié porté.” Ce qui fait qu’il touche en moyenne environ 50 % du montant de la prestation qu’il a négociée avec son client.
Sur ce point donc, avantage au micro-entrepreneur, qui perçoit un bénéfice net environ deux fois plus élevé que le salarié porté pour une facturation initiale identique. Mais attention ! Conçu pour permettre aux créateurs d’entreprise soit de tester la faisabilité d’un projet, soit de fournir un complément de revenus à toutes les personnes qui le souhaitent, le régime de la micro-entreprise ne peut s’appliquer au-delà d’un plafond annuel que la loi a aligné sur celui de la micro-entreprise traditionnelle, soit 32 900 euros pour l’exercice 2015 (82 900 euros pour les activités de vente de marchandise, d’objets…). S’il dépasse cette somme, le micro-entrepreneur est tenu de choisir un autre statut. Une limite qui ne s’applique évidemment pas pour le salarié porté. “En l’affranchissant de toute la gestion administrative liée à son activité, nous permettons au salarié porté de se concentrer sur son développement commercial et de pouvoir ainsi augmenter régulièrement son chiffre d’affaires, sans limite de montant” assure Sandra Lert-Gazza, directrice générale adjointe de la société de portage en ligne Webportage, basée près d’Aix-en-Provence, qui a réalisé 12 millions d’euros de chiffre d’affaires l’an dernier.

Accompagnement renforcé

Il est vrai que l’ordonnance d’avril 2015 et ses décrets d’application ont renforcé les obligations qui pèsent sur les sociétés de portage. Non seulement elles doivent désormais se consacrer à cette activité de manière exclusive, mais surtout elles ont l’obligation de cotiser à un fonds permettant d’assurer la sécurité des paiements et de mettre en œuvre un certain nombre de dispositions destinées à l’accompagnement des salariés portés. Prenant le plus souvent la forme d’une mise en réseau de ses salariés, elles permettent notamment à des consultants indépendants de présenter des offres en commun et de multiplier ainsi leurs chances de décrocher de nouveaux contrats…
Alors, micro-entrepreneur ou salarié porté ? Quel est le plus favorable de ces deux statuts ? Le succès de chacun d’eux tend à prouver qu’il n’existe pas de réponse tranchée. En fait, ils répondent l’un et l’autre au profil-type des différentes catégories des candidats à la création d’entreprises dans notre pays. D’un côté, les anciens salariés qui sont décidés à tenter leur chance en tant que travailleur indépendant, généralement dans une activité de conseil ou de prestation de services. En tant que salariés portés, ils conservent tous les avantages dont ils bénéficiaient comme salariés : l’assurance-maladie, l’assurance-chômage, les droits à la retraite… Ainsi, en cas d’échec, ils ont la possibilité de reprendre un emploi salarié traditionnel sans trop de difficultés après avoir traversé une période de chômage. D’autant plus que la loi prévoit que les contrats de prestation entre une société de portage salarial et l’entreprise cliente ne peuvent excéder une durée de trois ans.

Une protection sociale limitée

Les micro-entrepreneurs ont la possibilité, eux, de conserver ce statut sans limite de temps, tant qu’ils ne dépassent pas le plafond de recettes autorisées. Ils ont ainsi été en 2014 près de 280 000 à s’immatriculer en ligne sur le site www.lautoentrepreneur.fr, géré par l’Urssaf. Principale raison : sa simplicité.
Accessible aussi bien aux étudiants et aux demandeurs d’emploi qu’aux retraités, et même aux fonctionnaires sous certaines restrictions, le régime de l’auto-entrepreneur permet également de se servir de sa résidence principale pour y créer son entreprise, dès lors que l’activité considérée n’occupe qu’une surface réduite des locaux, qu’elle n’engendre pas de nuisances et qu’elle ne conduit pas à la constitution d’un fonds de commerce. N’ouvrant droit qu’à une protection sociale limitée (il ne prévoit le versement d’aucune allocation-chômage en cas d’abandon du statut), il est donc davantage adapté à la situation des créateurs d’entreprise qui ont la volonté bien arrêtée de s’installer à leur compte, ou bien de percevoir un revenu complémentaire à leur activité salariée. Le statut de micro-entrepreneur permet ainsi de tester un projet d’entreprise.
En cas de succès, ils auront la possibilité de choisir un statut qui ne prévoit aucune limite de revenus. Et pourquoi pas, dans un premier temps, celui de salarié porté ? On constate en effet que, depuis peu, nombre de sociétés spécialisées dans le portage salarial ont créé des filiales spécialisées dans une activité de portage de micro-entrepreneurs. En contrepartie d’un pourcentage sur le chiffre d’affaires facturé, elles leur offrent le service d’accomplir à leur place toutes les démarches de gestion de leur activité auto-entrepreneuriale.
Protection sociale : avantage au salarié porté
Micro-entrepreneur ou salarié porté ? Entre ces deux statuts, il existe des différences relativement importantes en matière de protection sociale. Celle du premier se rapproche de celle du travailleur indépendant, tandis que celle du second est pratiquement équivalente à celle d’un salarié traditionnel.
1. Le micro-entrepreneur. Même s’il ressort de la catégorie des travailleurs indépendants, le micro-entrepreneur bénéficie d’un régime dérogatoire : ses charges sociales prennent la forme d’un prélèvement libératoire représentant un pourcentage du chiffre d’affaires effectivement encaissé. Que l’auto-entrepreneur soit artisan, commerçant ou titulaire d’une profession libérale, ces cotisations ouvrent droit à un certain nombre de prestations :
- Des prestations maladie en nature (médicaments, soins, hospitalisations…) et des prestations maternité identiques à celles des salariés
- Des indemnités journalières maladie soumises aux conditions habituelles des travailleurs indépendants
- Des droits à retraite de base et à retraite complémentaire équivalentes à celles du régime général.
- Des prestations d’allocations familiales identiques à celles des salariés.
2. Le salarié porté. Titulaire d’un contrat de travail avec sa société de portage considérée comme son employeur, le salarié porté bénéficie des droits et des garanties associés au statut d’un salarié ordinaire. De plus, à la différence d’un auto-entrepreneur, il percevra les indemnisations liées à la fin des contrats de travail (primes de précarité, préavis, indemnités de licenciement…) ainsi que les allocations de Pôle emploi correspondant aux périodes de chômage.
Le micro-entreprenariat en France
550 700, dont 283 400 auto-entrepreneurs
588 000 auto-entrepreneurs actifs dont 33 % exerçant une autre activité
Rémunération moyenne : 450 e mensuels
Source : INSEE
Le portage salarial en France
Un peu plus de 30 000 indépendants se sont lancés dans le portage plutôt que de s’installer en indépendant classique.
Source : Uneps (Union nationale des entreprises de portage spécialisées)
Publié le 28/01/2016

source : http://www.lenouveleconomiste.fr/lesdossiers/micro-entreprise-vs-portage-salarial-la-liberte-a-la-carte-29541/