jeudi 15 octobre 2015

Créer son entreprise en solo, mais pas en solitaire


Créer son entreprise en solo, mais pas en solitaire

22/09/15 à 16:29
Mis à jour le 01/10/15 à 16:27
© Getty Images


La création d’entreprise est une aventure périlleuse. Surtout si l’on est seul. Nos conseils pour bien s’entourer et rompre l’isolement.
Lorsqu’on crée son entreprise sans aide, il y a des choses que l’on ne fait pas au mieux. Moi, par exemple, je suis sûr que j’aurais pu économiser sur la première facture de mon comptable», regrette Louis Cottin, 31 ans, fondateur de Nau, une entreprise de fabrication de petits bateaux ­modulables et transformables. Aussi, pour être épaulé, il ne ménage ni son temps ni ses dé­placements et frappe à la porte de tous les ­acteurs de l’économie locale : le service de ­développement de Quiberon, la ville où il est installé, la chambre de commerce et d’in­dus­trie (CCI), celle des métiers et, de fil en aiguille, le technopôle de Vannes, le cluster nautisme du département et, enfin, Emergys, l’incu­bateur de la Région.
«Cela m’a pris un an, raconte-t-il, mais le jeu en valait la chandelle.La CCI m’a mis en contact avec le bureau d’étu­des qui est devenu mon ­partenaire le plus précieux. Et Emergys me permet de lever des fonds auprès de la Banque publique d’inves­tissement (50 000 euros). La prochaine fois, je sais que serai deux fois plus rapide.» Tous les créateurs (et créatrices) le disent : se lan-cer dans l’entrepreneuriat en solo ­est un sport extrême («un piège» pour certains, «un danger» pour d’autres). Mais il en faudrait plus pour les décourager : ils sont plus de 400 000, en effet, à tenter l’aventure cha­que année (microentrepreneurs compris). En­tre le coworking, les clubs et les réseaux d’accompagnement, ils trouvent heureusement de nombreu­ses solu­tions pour les épauler. En partenariat avec le Salon des microentreprises*, voici nos pistes pour rompre l’isolement.
Rejoindre un incubateur. C’est la voie royale, mais les places sont chères. «La plus grande difficulté quand on entreprend seule, raconte Vinciane Mouronvalle-Cha­reille, est de trouver des gens bienveillants qui vous aident à remettre en question vos présupposés. Dans un incubateur, on revoit votre projet tant qu’il n’est pas solide.» Créatrice du site Theplaceto.bike (vêtements pour cyclistes urbains), elle est sortie en juin dernier de chez BoostInLyon. Toutes les semaines pendant quatre mois, des séances de ­coaching suivies de plages de travail avec les autres ­incu­­bés lui ont permis d’améliorer le modèle de sa boutique en ligne.
Structures disposant parfois de locaux et dont les associés dispensent de précieux con­seils aux créateurs, les incubateurs et les accélérateurs sont très à la mode. Aujour­d’hui, tout le monde en ouvre un : les fonds d’investissements privés (comme Kima Ventu­res, ­celui de Xavier Niel), les facs, les grandes écoles, les entreprises et même les villes et les Régions. En France, il y en a 221, selon l’éditeur d’applis Entreprise-facile sur mon-incubateur.com. A raison de dix incubations chacun, et ce, deux fois par an (les stages d’incubation durent rare­ment plus de cinq mois), il y a donc au moins 4 000 places à pren­dre par an. Mais la sélection est rude : les incubateurs n’acceptent ­que les jeunes pousses technologiques. Ils les ai­dent à passer du stade de ­projet bien avancé à celui de vraie société, avec clients et chiffre d’af­faires. En échange, ils s’invi­tent parfois au capital. On parle alors d’«accélérateur». Certains permettent même de trouver des ­as­sociés : le Lab’O d’Orléans ­organise ainsi un week-end Start-up du 9 au 11 octobre prochains. Et tous enrichissent votre réseau. «Entre anciens accélérés, il y a beaucoup de solidarité, commente Vinciane. Nous ­restons en contact via Facebook, et quand je pose une question sur le choix d’un prestataire, par exemple, je reçois dix répon­ses dans l’heure. C’est une grande famille.»
Intégrer un réseau d’accompagnement. C’est une démarche classique et efficace : «Cinq ans après leur création, 85% des entreprises accompagnées existent encore, contre 50% quand elles ne le sont pas», indique Bruno Voyer, directeur du Réseau En­treprendre Bretagne. D’un côté, il y a les réseaux qui, comme ­BGE (les boutiques de gestion) et la Yump Academy, dispensent aux créateurs des formations et leur offrent un suivi le temps qu’ils ­ficèlent leur projet. Elles leur apprennent ­notamment à réaliser un business plan. Et ce n’est pas tout. «Côtoyer d’au­tres “yumpers” et les voir avancer permet de se motiver les jours où l’on connaît une baisse de forme», témoigne Lala Gbeglebi, 32 ans. Il est en train d’ouvrir à Nantes un établissement Les Petites Graines, la première de ses crèches «à haute qualité éducative et environnementale» qui accueilleront des ­enfants valides et des handicapés. Yump lui a permis de visiter une structure du même type au Danemark et, via ses ­partenaires, de «rencontrer des entreprises, futures clientes». Ces réseaux s’adressent parfois à un public ­précis comme les Pionnières, tournées vers les femmes chefs d’entreprise.
D’un autre côté, il y a des structures comme Initiative France et le Réseau Entreprendre qui accordent aux entrepreneurs des prêts d’honneur (de 10 000 à 25 000 euros à 0%). Elles leur fournissent surtout un mentor, un chef d’en­treprise expérimenté qui parle le même lan­gage qu’eux et est passé par les mêmes éta­pes. Leur regard est donc précieux. «Quand un éditeur de sites Web a proposé de racheter ma société, mon mentor, François Piot, le PDG de Prêt-à-partir, m’a rassurée quant au potentiel de mon projet. J’ai décidé de ne pas céder aux avances et de poursuivre mon déve­lop­pement», se félicite Raphaële Leyendecker, 28 ans. Lauréate du Réseau Entreprendre Lorraine, elle a lancé en mai Horseee.fr, une plateforme Web permettant de réserver des cours d’équitation partout en France. Nombre de visiteurs en progression de 30% par mois, plus de 1 500 inscrits… «Tous les indicateurs sont au vert», se réjouit-elle.
Travailler dans un espace de coworking. C’est l’arme anti-isolement la moins chère : pour 300 à 400 euros hors taxes par mois, vous avez un bureau dans un open space, du WiFi, une imprimante et, surtout, des collègues. «Ici, la plupart des gens sont des solos. Nous sommes confrontés aux mêmes problèmes, alors chacun partage ses bons plans avec les autres», assure Clément Batifoulier, 33 ans, fondateur de Dynamic Touch. En faisant visiter le site de BGE à Paris, où il a posé ses ordinateurs, ce créateur d’applis et de sites Web s’interrompt pour donner à une collègue qui le sollicite son avis sur le design d’une plateforme Internet.
Attention, dans les espaces de coworking, le meilleur peut côtoyer le pire. «Pour trouver celui qui vous convient le mieux, n’hésitez pas à en visiter plusieurs», conseille Magali Narcissot, une graphiste freelance qui a elle aussi adopté les locaux clairs et colorés de BGE. Bureauxapartager.com, qui recense tous les espaces de coworking sur Coworking-carte.fr, est un outil précieux pour les patrons en herbe.
Solliciter ses amis et les clubs. Enfin, pour trouver des appuis, ne négligez pas vos proches et leurs relations. «Votre réseau est là pour vous soutenir et vous donner des coups de main, résume Alain Bosetti, le fondateur du Salon des microentreprises. Il peut aussi vous apporter le quart ou la moitié de vos contrats. Plus une entreprise est petite, plus le chiffre d’affaires dépend directement du dirigeant.» Ainsi, c’est par l’intermédiaire d’une tante que le fondateur de CasQuade,  François Jolly , a rencontré l’investisseur qui a injecté 20 000 euros dans sa société. Pour développer ce premier cer­cle d’amis, fréquenter un ou deux clubs ­de créa­teurs se révèle aussi fort utile. «On y rencontre des gens bienveillants partageant nos préoccupations et prêts à nous aider, indique Flavia Redouin, 43 ans. Mais pour s’insérer dans ce genre d’endroits, rendez service en pre­mier : pen­sez à ceux que vous connaissez et qui pourraient leur être utiles.» Fondatrice de Tessi­gra­phes, un studio de création textile, à Lille, Fla­via a rejoint un réseau de femmes et Lille-design, un groupe visant à promouvoir le design auprès des PME. Et a bénéficié du soutien de BGE. «Il y a quelques années, je m’étais déjà mise à mon compte. Mais ça n’avait rien à voir : avant, j’étais simple freelance ; aujourd’hui, je suis ­armée pour créer mon entreprise.»
Sébastien Pierrot
source : http://www.capital.fr/carriere-management/entreprendre/creation-d-entreprise/creer-son-entreprise-en-solo-mais-pas-en-solitaire-1071711