jeudi 20 décembre 2012

Les pièges à éviter pour créer une entreprise sociale et solidaire


Les pièges à éviter pour créer une entreprise sociale et solidaire

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Bien choisir ses collaborateurs et associés, opter pour la forme juridique appropriée... La création d'une entreprise solidaire est semée d'embûches. Guillaume Hermitte, fondateur de l'entreprise d'insertion Puerto Cacao, a répondu aux questions des internautes de L'Express. 



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Les pièges à éviter pour créer une entreprise sociale et solidaire
Le succès ou l'échec d'un projet solidaire dépend notamment du choix de son activité et de ses collaborateurs, mais aussi de ses partenaires.
Flickr/Bill Dimmick
Nouvelo: Quelles sont les erreurs récurrentes commises, et qui mènent a l'échec?
Guillaume Hermitte: A mon sens, le succès ou l'échec d'un projet, solidaire ou non, repose principalement sur trois points. Le premier: votre offre de produits et services est-elle utile et de qualité?  
Deuxièmement: vos équipes. Ce sont les hommes qui font la réussite ou l'échec d'un projet. C'est le point le plus délicat. Recrutement, management, implication, et capacité à sanctionner ou à se séparer des personnes qui ne permettent plus au projet de vivre, est difficile.  
Le dernier: vos partenaires. Il est capital de maintenir la confiance avec ses partenaires, que ce soit, les financiers -banques, actionnaires- en les tenant régulièrement informés, mais aussi les partenaires opérationnels (fournisseurs, prestataires), en les payant à l'heure et en faisant l'effort de comprendre leur façon de travailler. 
Petit conseil: ne pas hésitez à prendre un choix clair avant la fin de la période d'essai. Si une personne ne convient pas totalement et que vous vous en rendez compte pendant la période d'essai, c'est sûr à 100% qu'elle ne fera pas le bonheur de votre structure et de votre projet. 
gillou4485: Tous les associés d'une entreprise solidaire ont-ils la mentalité de manager?
La question des associés est importante. Un associé n'a pas forcément pour vocation de manager. Il a vocation à participer aux décisions de la vie de l'entreprise. Il ne peut être qu'un associé financier.  
Ce qui compte c'est de savoir justement quelle est sa motivation à être associé de votre projet. Est ce juste pour vous aider? Placer son argent? Participer activement au projet et être un des dirigeants? Dans ce dernier cas, il est justement très important de déterminer s'il peut être un bon manager. Vous seul (porteur de projet) pouvez décider. Mais il peut être très utile de vous faire conseiller des personnes expertes en RH pour vous faire votre avis. 
PierreBataille: Je voulais connaître votre point de vue sur les "Impact Investor" qui investissent dans des social business mais qui demandent quand même des versements de dividendes ou des possibilités de plus-value (cependant limitées en comparaison avec les angels plus traditionnels). Est-ce cela compatible avec votre vision de l'ESS?
Excellente question! La tendance de l'impact investing est une tendance forte du moment, au moins en termes de communication. Toutefois, étant en train de vivre une expérience d'augmentation du capital avec des fonds institutionnels dits "impact investors" (objectif 300 K€ en capital), mon analyse est nuancée.  
Pour faire simple, je crois que les exigences de nombreux fonds qui viennent sur la place de l'impact investing ne sont pas encore conformes à la réalité de la vie des entreprises sociales. L'un des fonds avec qui on traite souhaite rémunérer des obligations convertibles à 11% par an! Un autre, financé par la région IDF, à 9% par an, et j'en ai vu d'autres qui, en termes de communication, annoncent 3 à 4% par an (pour les souscripteurs de ces fonds) mais qui, une fois leurs frais de gestion intégrés, se révèlent être plus gourmands auprès des dirigeants d'entreprise. 
Personnellement, je ne sais pas comment aujourd'hui faire de l'insertion, du commerce équitable, et générer 9 à 11% de richesse économique par an. Toutefois, ces fonds, s'ils sont sérieux, peuvent apporter: des fonds en haut de bilan importants, un accompagnement en termes de gouvernance et de stratégie utile pour des entreprises sociales, des compétences et des réseaux différents des réseaux habituels de l'économie sociale et solidaire (ESS). 
J'attends de voir comment évoluera cette tendance. Mais je ne suis pas encore convaincu que cela soit ce qui permet à beaucoup de projet d'ESS de financer leur développement. Seules quelques pépites en profiteront peut être, et a quel prix?  
Ahmed: Existe-t-il un régime juridique qui gère en cas de litiges dans la gestion de l'économie solidaire?
A ma connaissance, il n'y a pas de régime juridique propre à l'économie sociale et solidaire. Tout dépend de ce que vous entendez par "gérer en cas de litige", mais les structures juridiques utilisées peuvent être les suivantes: association, société coopérative et participative (SCOP) ou société coopérative d'intérêt collectif (SCIC), société à responsabilité limitée (SARL), société anonyme (SA) ou mutuelle. A chaque fois ce sont les dispositions standard relatives à ces statuts juridiques qui font foi. Vis à vis des actionnaires, sociétaires ou adhérents notamment. Vis à vis des salariés, le droit du travail fait loi. Vis à vis des clients, le code de la consommation fait loi. 
Guillaume Hermitte est fondateur et directeur de la boîte d'insertion Puerto Cacao, spécialisée dans le chocolat.