mercredi 22 juillet 2015

Comment transformer les banlieues en incubateurs à start-up

Comment transformer les banlieues en incubateurs à start-up

Serge Malik, engagé pour l'entrepreneuriat des jeunes des quartiers, fait le bilan des dispositifs existants et donne des pistes pour améliorer l'esprit d'entreprise dans les quartiers populaires.

L'entrepreneuriat dans les quartiers populaires, comme vecteur de lutte contre les discriminations et pour l'égalité des chances, constitue une piste prometteuse pour développer l'esprit d'entreprise et produire une adhésion durable aux valeurs de la République, de la part des habitants résidant en QPV (Quartiers Politique de la Ville). Ce sont des lieux vertueusement désignés par des acronymes supposés les identifier, quand ils ne font que les stigmatiser. Trop souvent contrainte d'opérer dans le contexte d'un droit spécifié par des textes limitant la portée de son action [la politique de la ville est opérationnelle uniquement dans le périmètre d'une géographie "QPV", ndlr], cette "politique publique" doit impérativement et urgemment pouvoir compter sur une coopération massive du monde de l'entreprise et de politiques publiques de droit commun. De nombreuses entreprises sont signataires de la Charte de la Diversité, de la Charte Entreprises et Quartiers notamment, et donnent des centaines de milliers d'heures de temps-homme dans des opérations de mentorat, de coaching, d'ateliers de conseil au profit de porteurs de projet et/ou au travers d'actions de retour à l'emploi, voire de resocialisation de personnes très éloignées de l'emploi. C'est tout cela qui fait certainement de notre pays un champion dans le domaine de l'intervention sociale liée au développement économique des territoires et de la solidarité.

Manque de coordination

Et pourtant ça ne suffit pas. Messieurs Christian Nibourel, PDG de Accenture France et Belgique, Philippe Salle, PDG de Elior ou Yves Nanquette, DG de LCL, pour ne citer que ces grands patrons personnellement investis dans le soutien de dispositifs de formation ou d'accompagnement à l'entrepreneuriat ; au même niveau que la Caisse des Dépôts -en valorisation des apports RH, également très engagée ; ou la région Ile-de-France et son ERP (Ecole Régionale des Projets), peuvent témoigner qu'il ne manque pas de forces, ni de moyens dans notre pays, pour associer à leur effort et à l'effort de l'Etat, celui des entrepreneurs. Ce qui manque c'est de la coordination, du bon sens et de l'innovation.
Pour tenir tête au chômage, à la difficulté d'intégrer le tissu social par l'emploi, ou par la création d'entreprise -qui est un moyen de se procurer son propre emploi et potentiellement d'en créer d'autres, il faut regarder les territoires dans leur ensemble et élargir la cartographie "QPV" aux territoires adjacents moins précaires mais tout aussi précieux comme ressource - par le financement privé et le droit commun.
Il faut aussi, et rapidement, clarifier l'offre soutenue par le financement public -quelle solution pour quel problème?, en simplifier l'accès: un guichet unique pour la sélection et l'orientation des porteurs de projet? Il faut enfin, établir des passerelles ouvertes aux deux extrémités, entre les entreprises de toutes tailles et les collectivités locales - départements, communautés d'agglos, régions- et l'Etat.
Il serait souhaitable de regarder en face la situation d'échec dans laquelle se trouve le développement économique des territoires, au regard du large déploiement de dispositifs dédiés et des sommes importantes qui leur sont allouées sur les fonds publics.

Contrat d'objectifs et de moyens

Les grands acteurs du développement économique des territoires -l’Adie (Association pour le droit à l’initiative économique), BGE (Boutiques de gestion), France Active, Initiative France, Planet Finance et Réseau Entreprendre, constituent aujourd'hui l'essentiel de la force d'intervention dans les quartiers. Ils sont porteurs d'offres variées - prêt d'honneur, mentorat, accompagnement et formation -, mais ils opèrent chacun séparément et ne disposent pas des moyens - ni de la volonté? -, demutualiser les offres en un seul "package" via une plateforme d'échange qui permette aux publics concernés et aux prescripteurs - Missions Locales, Pôle Emploi et la myriade d'associations, acteurs de terrain présents dans les territoires -, de s'orienter et de faire un choix éclairé.
La solution pourrait prendre la forme d'un  "contrat d'objectifs et de moyens" (COM) faisant obligation aux dispositifs financés par l'argent public, de mutualiser les ressources, partager l'expérience et les pratiques, organiser conjointement l'orientation des porteurs de projet et ainsi sécuriser les parcours des bénéficiaires pour assurer un taux significatif de succès qui justifierait le soutien public qui leur est octroyé.
Sans ce minimum de contrainte - et sans mesure d'impact, il est impossible d'évaluer combien rapporte l'argent public investi. C'est peut-être là, une des raisons pour lesquelles les entrepreneurs ont tant de réticence à intervenir plus efficacement, plus durablement dans une stratégie d'engagement à long terme aux côtés de l'Etat et des grands réseaux d'acteurs du développement économique des territoires.
Ce Com - une solution peu coûteuse - permettrait de rendre bien visible l'effort de l'Etat et des collectivités locales engagées dans le développement économique des territoires et rendrait un service aux bénéficiaires.
Serge Malik, fondateur et dirigeant de Yump, dispositif de formation à l'entreprenariat dédié aux porteurs de projets d’entreprises issus des quartiers.

source : http://www.challenges.fr/tribunes/20150716.CHA7925/comment-transformer-les-banlieues-en-incubateurs-a-start-up.html