lundi 23 mars 2015

Autoentrepreneur, SARL, SAS... Quel statut pour créer son entreprise?

Autoentrepreneur, SARL, SAS... Quel statut pour créer son entreprise?

Les formes juridiques sont variées. Le choix dépend des perspectives souhaitées pour l’entreprise. Et du rôle que se voit jouer le futur dirigeant : seul ou en s’associant.

Associé fondatrice de Rêveability Avocat. (c) Bruno LévyAssocié fondatrice de Rêveability Avocat. (c) Bruno Lévy
Chaque année, des milliers de Français tentent leur chance en créant leur entreprise. Challenges vous dévoile les 4 étapes indispensables pour bien créer son entreprise". Après Trouver l'idée, et Construire un business plan, il faut choisir le bon statut juridique. 

SARL, EIRL, SAS… Difficile de s’y retrouver pour les néophytes. De la façon dont on veut développer l’entreprise dépendront ses statuts et la forme juridique qu’elle pourra prendre. La classique société anonyme (SA) nécessite la présence de sept associés et est extrêmement encadrée, donc peu adaptée à la création. Au fait, la plupart des entreprises qui se créent sont unipersonnelles, et c’est bien à partir du statut du dirigeant de l’entreprise qu’il faut monter son projet. Enfin, s’il faut peser attentivement le pour et le contre de chacun de ces différents statuts, il y a un autre aspect qu’il faut absolument passer à la loupe avant de se lancer : le régime matrimonial. Pour ceux qui n’ont pas encore fait de contrat de séparation de biens, il vaut mieux passer chez le notaire pour éviter qu’un divorce douloureux ne vienne paralyser le capital de l’entreprise.

Autoentrepreneur, EI, EIRL : pour démarrer

Le statut d’autoentrepreneur présente un gros avantage : tant qu’il n’y a pas de chiffre d’affaires, il n’y a aucun prélèvement. Utile en période de crash test, ce statut implique de ne pas dépasser le seuil de 82 200 euros de chiffre d’affaires annuel pour les activités de vente de marchandises, et celui de 32 900 euros pour les prestations de services ou les professions libérales. Au-delà, c’est une entreprise individuelle classique, c’est-à-dire qu’elle peut être soumise à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux. Attention, ces deux types de statuts ne créent pas de patrimoine distinct entre la personne et son activité. C’est le patrimoine personnel de l’entrepreneur qui sert de gage aux créanciers. Une solution pour s’en prémunir : se rendre chez un notaire pour effectuer une déclaration d’insaisissabilité, qui protège tout l’immobilier non professionnel des saisies. Toutefois, elle n’est opposable qu’aux créanciers avec lesquels on a contracté après l’avoir signée. Autant, donc, la réaliser le plus tôt possible. Autre solution : opter pour le statut de l’EIRL (entrepreneur individuel à responsabilité limitée), qui permettra de spécifier quels sont les biens affectés à l’activité professionnelle.

Le portage salarial : pour se tester

Il ne concerne pour le moment que 40 000 personnes en France, mais est en pleine expansion. Il est fait pour ceux qui veulent tester leur marché avant de créer leur entreprise. Ils évitent ainsi toutes les tracasseries administratives et conservent leur statut de salarié. Mais à la différence des gérants salariés et des travailleurs non salariés, ils continuent à cotiser à l’assurance-chômage. "Parmi les utilisateurs du portage salarial, 10 % créent leur entreprise au bout de quelques mois", affirme Patrick Levy-Waitz, président de la société de portage ITG. Le principe : le consultant ou l’indépendant effectue ses prestations, qui sont facturées au(x) client(s) par l’entreprise de portage. Les clients s’acquittent des factures, et l’entreprise, après avoir prélevé une commission (compter environ 10 % du chiffre d’affaires hors taxes), s’acquitte des cotisations et verse un salaire net à l’indépendant. Pour 80 000 euros hors taxes de missions, on peut compter sur un peu moins de 40 000 euros de salaire net. La rémunération peut être étalée dans le temps pour éviter les à-coups. Attention, le portage salarial est réservé aux rémunérations qui, sur la base d’un temps complet, sont au minimum de 2 500 euros brut mensuels.

SARL ou EURL : pour gérer en tant que travailleur non salarié

En créant une SARL (société à responsabilité limitée) ou une EURL (sa version unipersonnelle), on donne naissance à une personne morale qui aura un patrimoine distinct. Surtout, on empêche l’activité d’être exclusivement liée à son ou ses créateurs : elle pourra leur survivre ou être cédée. Le capital est composé de parts sociales qui ne peuvent être vendues qu’avec l’accord des autres associés. La répartition des pouvoirs est simple : les droits de vote d’un associé sont exactement les mêmes que la part qu’il détient dans le capital. Le gérant, s’il détient plus de 50 % des parts, est TNS, travailleur non salarié. Ce qui signifie, concrètement, qu’il cotise au régime social des indépendants (RSI), remis sur les rails après avoir été épinglé par la Cour des comptes pour un service et des délais déplorables. Les cotisations sociales du TNS sont plus légères que celles d’un gérant salarié (son salaire brut va coûter à l’entreprise environ 140 % de son salaire net). En revanche, dès que le bénéfice de l’entreprise dépasse 38 120 euros, les dividendes sont aussi soumis à cotisations sociales (seulement à 15 % de prélèvements en deçà de ce seuil).

SAS ou SASU : pour diriger en tant que travailleur salarié

La SAS (société par actions simplifiée) ou sa version unipersonnelle, la SASU, sont très en vogue chez les start-uppers. Leur point fort ? "On n’est pas obligé d’y aligner la répartition des pouvoirs sur la répartition du capital", explique maître Pierre-Olivier Bernard, du cabinet Opleo Avocats. "Cela signifie qu’on peut distribuer des actions à des salariés. C’est fondamental, car, en phase de démarrage, on ne peut pas toujours s’aligner sur les salaires du marché : cela permet de retenir et de motiver ses équipes." Attention, les actions d’une SAS peuvent être cédées sans l’accord des autres associés. Pour encadrer les mouvements dans le capital, il faudra prévoir un pacte d’actionnaires. Le gérant est travailleur salarié, mais il ne cotise pas à l’assurance-chômage. Son salaire "superbrut" (charges patronales et salariales incluses) coûte à l’entreprise environ 175 % du montant de son salaire net. Pour le moment, les dividendes sont peu taxés, 15,5 % quel que soit leur niveau. Mais le dispositif est régulièrement remis en cause.

Le témoignage de Sabah Boumesla, associée fondatrice de Rêveability Avocat.
Challenges : Quelles questions faut-il se poser avant de choisir un statut ?
Sabah Boumesla. Il faut savoir si l’on veut ou pas s’associer, et surtout avoir une vision à moyen terme de la manière dont on souhaite se développer.
Que préconisez-vous pour ceux qui se lancent seuls ?
Le statut d’autoentrepreneur apporte une grande simplicité de gestion, mais enferme dans un certain confort : pour ne pas changer de fiscalité, on évite de franchir le plafond de chiffre d’affaires, et on ne se développe jamais ! L’autre écueil, qui concerne aussi l’entreprise individuelle, est qu’il n’y a pas de distinction entre le patrimoine de l’entrepreneur et celui de sa structure. Certains n’en ont pas conscience.
Quel est le risque ?
Toutes les dettes au titre de l’activité se confondent avec celles de l’entrepreneur. On peut donc saisir ses biens, y compris sa résidence principale. Aujourd’hui, on peut s’en protéger en créant une déclaration d’insaisissabilité chez un notaire, ou en optant pour le régime de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL), qui permet d’affecter à son activité professionnelle un patrimoine distinct de son patrimoine personnel. La séparation entre dettes personnelles et professionnelles sera aussi très nette avec la création d’une EURL ou d’une SASU, équivalents "solo" des SARL et des SAS.
Et pour ceux qui créent une société à plusieurs ?
La plupart choisissent une SARL ou une SAS, qui sont toutes deux à responsabilité limitée. Les SARL sont très encadrées, juridiquement, par le Code du commerce. Les SAS le sont beaucoup moins. C’est ce qui explique leur succès : elles donnent une grande souplesse dans la rédaction des statuts, permettent d’organiser l’entrée de nouveaux actionnaires, le pouvoir entre associés, y compris en donnant à un associé des droits de vote plus importants que sa part dans le capital. C’est le cadre idéal pour ceux qui ont vite besoin de faire entrer de nouveaux investisseurs. Mais cette très grande liberté impose d’être très rigoureux dans la rédaction des statuts.
Quelles sont les erreurs fréquentes ?
Bien souvent, le conseil juridique n’entre pas dans le business plan, il est vécu comme un coût superflu. On ne compte plus les oublis de cession de droits d’auteur sur les logos, les conditions générales de vente mal rédigées… Plus grave encore, beaucoup d’entrepreneurs pressés de lever des fonds signent des pactes d’actionnaires qui ne leur sont pas du tout favorables. L’autre erreur consiste à ne pas envisager dès le départ la sortie d’un associé, en cas de divergences importantes.
Propos recueillis par Héloïse Bolle

Les livres
La Boîte à outils de la création d’entreprise, par Catherine Léger-Jarniou et Georges Kalousis, Dunod, édition 2015, 192 pages, 26,50 euros.
L’Essentiel du droit des sociétés, par Béatrice et Francis Grandguillot, éditions Gualino, 150 pages, 13,50 euros.
Le site
Apce.com
Dossier "Choisir un statut juridique".

source : http://www.challenges.fr/creation-d-entreprise/20150309.CHA3694/autoentrepreneur-sarl-sas-quel-statut-pour-creer-son-entreprise.html