Mis en oeuvre en janvier 2009, le régime de l'autoentrepreneur a connu un succès à la fois immédiat et durable. Son essor pose désormais la question des droits sociaux associés à ce régime.

Qui aurait cru qu'un simple article de la loi de modernisation de l'économie (LME), votée en août 2008, aurait eu un tel effet sur le monde du travail et sur l'entrepreneuriat en particulier ? La création du régime de  l'autoentrepreneur , dont la mise en oeuvre date de janvier 2009, a en effet rencontré un succès jamais démenti. Dès la première année, près de 360.000 personnes se sont affiliées, attirées par la simplicité de la procédure.
Aujourd'hui, 1,3 million de personnes travaillent sous ce régime, et près de la moitié des Français ont déjà fait appel à un autoentrepreneur comme prestataire de services.  Les derniers chiffres des créations d'entreprises confirment cet engouement : sur les 591.000 entreprises créées en 2017 selon l'Insee, 241.800 étaient des micro-entrepreneurs (nouveau nom des autoentrepreneurs).

Simplicité des démarches

Pourquoi un tel emballement ? « La simplicité des démarches administratives y est pour beaucoup, mais aussi le fait que vous ne payez pas de taxes ni de cotisations tant que vous ne gagnez rien. C'était une vraie révolution à l'époque. Le cauchemar des indépendants, c'est le décalage dans le temps entre leur niveau de revenus et leur niveau de cotisations. Tout cela n'existe pas avec le régime d'autoliquidation des autoentrepreneurs », explique  François Hurel, président de l'Union des autoentrepreneurs , l'un des inspirateurs de ce régime.
Preuve que la simplicité est un argument qui porte : la seule année où le nombre d'autoentrepreneurs a connu un fort recul (-21 %) est aussi l'année où est entrée en application la loi Pinel, en 2015, qui a notamment introduit un stage obligatoire avant installation. Une obligation qui va être levée dans le cadre de  la loi Pacte.

Variété des profils

Ce succès numérique s'explique aussi par la variété des profils qui s'inscrivent sous ce régime. On y trouve à la fois de jeunes créateurs diplômés qui veulent lancer une entreprise en testant à moindre coût leur idée, des salariés qui ont une activité de complément et qui n'auraient jamais créé d'entreprise sans ce régime, des retraités qui souhaitent augmenter leur revenu, ou encore des chômeurs qui veulent créer leur propre job faute d'en trouver un comme salarié.
Derrière l'enthousiasme de certains créateurs d'entreprise, il y a aussi ceux qui s'engouffrent dans l'autoentrepreneuriat faute de mieux. « Lorsque ce régime a été créé en 2009, c'était déjà pour faire face à la crise. Depuis, les choses ne se sont pas vraiment arrangées et le succès de l'autoentrepreneur, c'est aussi le signe d'un pays qui va mal, où il est plus difficile d'embaucher en CDI et où des formes d'emploi pas toujours souhaitées apparaissent », analyse Grégoire Leclercq, président de la Fédération nationale des autoentrepreneurs.
C'est  l'autre visage de l'autoentrepreneur qui se dessine depuis quelque temps déjà mais que personne n'avait imaginé il y a dix ans. Celui des chauffeurs de VTC, des livreurs à vélo, mais aussi des bricoleurs en tout genre qui viennent monter des étagères, réparer un ordinateur... « La vraie limite du régime, c'est lorsque vous avez des travailleurs économiquement subordonnés et socialement dépendants. La seule façon d'en sortir, et d'éviter la requalification en contrat de travail, c'est de faire cotiser les autoentrepreneurs eux-mêmes », estime François Hurel.
Au risque de casser, pour d'autres experts, l'attrait du régime qui est souvent plébiscité pour son faible coût social, aussi bien par le donneur d'ordre que par l'entrepreneur lui-même, dont les cotisations sont très faibles.  L'arrêt récent de la Cour de cassation sur l'entreprise TakeEatEasy , qui a considéré que les livreurs à vélo de la société étaient des salariés, du fait de leur subordination, et non des travailleurs indépendants, devrait alimenter à nouveau les débats cette année.
Dix ans après sa création, le régime de l\'autoentrepreneur est à un tournant
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Marie Bellan