mercredi 29 janvier 2014

Les « Breizh Angels » débarquent

Les « Breizh Angels » débarquent

Par Stanislas Du Guerny | 23/01 | 17:42

Quatre associations comptant 200 « business angels » se regroupent en Bretagne. Un nouveau site internet « financer son entreprise en Bretagne » sera en ligne dans les prochaines semaines. Une initiative qui vise à tourner la page des dépôts de bilan et des "bonnets rouges".

Les "bonnets rouges" ont fait l'actualité ces dernières semaines en Bretagne - AFP
La crise qui a frappé l’industrie bretonne l’année dernière n’en finit pas de provoquer des remous. Même dans le monde fermé de la finance des entreprises. Les 4 associations départementales de « business angels » bretons viennent de décider de se regrouper dans une même structure fédératrice nommée « Breizh Angels ». Objectif des 200 investisseurs qui composent ces différents outils de financement des entreprises, « renforcer » leurs actions communes dans une région où les innovations sont légion mais manquent cruellement de financements. La situation est d’autant plus inquiétante que 17.000 PME et entreprises artisanales seront à reprendre d’ici à 2020 pour 145.000 emplois directs, indique-t-on au Conseil régional de Bretagne. Et les acteurs économiques veulent éviter le retour d’une crise comme celle de l’an dernier avec une cascade de dépôts de bilan dans l’agroalimentaire chez Doux Gad et bien d’autres PME de ce secteur encore où la R & D était rare. Résultat, elles étaient fragiles et présentaient des productions basiques vulnérables en temps de crise.
Partant du principe que les banques régionales sont des acteurs de moins en moins engagés dans le financement des start-up, les patrons bretons relèvent leurs manches. L’association Produit en Bretagne qui regroupe 300 entreprises de l’agroalimentaire prépare avec plusieurs entrepreneurs dont Alain Glon, la création d’un fonds financier de plusieurs millions d’euros abondé par les dirigeants et cadres de la région. Jacques Bernard, le président de Produit en Bretagne, en fixe les limites : « Créer une entreprise tous les deux mois » dans des secteurs très variés de l’agroalimentaire, des services ou des télécommunications. Ce dernier secteur est concerné notamment à Rennes où la technopole Atalante a bénéficié de la création de plus de 20.000 emplois en vingt ans.
Chaque année, une vingtaine de start-up voient le jour et subissent la loi de la sélection drastique des fonds. Go Capital, financé notamment par les Régions du Grand Ouest (Bretagne, Pays de la Loire et Basse-Normandie), les banques régionales et le Fonds européen d’investissement à hauteur de 56 millions d’euros, analyse plus d’une centaine de dossiers par an et en sélectionne « moins d’une dizaine », indique Eric Cozanet son directeur général. « Le projet technologique est primordial, mais il est également indispensable d’avoir une équipe armée en management, finances et ressources humaines », souligne ce spécialiste.

Fuite de matière grise

Une récente étude du cabinet Ernst & Young précise que 7 jeunes dirigeants d’entreprise sur 10 éprouvent des difficultés pour réunir les fonds propres nécessaires à leur croissance. Certaines passent sous pavillon étranger avant même d’avoir dégagé un chiffre d’affaires. L’entreprise rennaise Flexy Core, reprise environ 16 millions d’euros par Google, en est le parfait exemple. Sa solution de portée mondiale optimise l’accès aux applications des smartphones sans décharger la batterie. « Un financement régional consistant aurait pu éviter cette fuite de matière grise », dit un observateur.
A Brest, trois dirigeants d’entreprise dont le directeur général de la puissante banque Crédit Mutuel Arkéa viennent également de créer West Web Valley – WWV –, une société d’accompagnement des start-up qui sont suivies au quotidien, hébergées et financées. Un fonds d’investissements est en cours de création. L’objectif des initiateurs de WWV est de réunir 25 millions pour la création, dans les 3 à 5 ans de 100 à 200 emplois. La région Bretagne suit de près ce type d’initiative et envisage la création en 2014 d’un fond en capital-risque de 20 millions en partenariat avec la région des Pays de la Loire et les banques. En 2013, le budget global d’aide aux entreprises par la région est de 102 millions d’euros.

Un site Internet sur le financement des entreprises

Du côté de la BPI, la mobilisation est totale. Le tout nouveau site « Financer son entreprise en Bretagne » sera en ligne dans les prochaines semaines. Initié par la région, la Caisse des Dépôts et bpifrance, il doit permettre aux entreprises du territoire de « trouver la solution de financement la plus proche de leurs besoins », affirme la région Bretagne dans son projet de budget 2014. Si le conseil régional engage chaque année de l’ordre de 10 millions d’euros dans l’ingénierie financière, toutes les entreprises n’ont pas encore accès aux outils de financement. Ils sont pourtant très nombreux, mais il existe toujours « des trous dans la raquette », indique un observateur.
Les aides régionales accompagnées par la Caisse des Dépôts vont pourtant des fonds d’amorçage aux prêts d’honneur en passant par les structures de prises de partici­pation pour transmission ou ­croissance externe. La crise qui secoue le territoire depuis le second semestre de 2013 a entraîné un renforcement de plusieurs outils. Dans le cadre du Pacte d’avenir pour la Bretagne, signé en décembre dernier par le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, bpifrance s’engage à consacrer 400 millions d’euros sur cinq ans pour accompagner les entreprises de la filière agroalimentaire, indique Eric Versey, le directeur régional de bpifrance. Un exemple de son engagement renforcé, bpifrance propose depuis peu aux entreprises de l’agroalimentaire une possibilité de prêts participatifs d’un montant de 500.000 euros afin de les aider à passer les mauvais caps. Un prêt participatif d’amorçage allant jusqu’à 500.000 euros par dossier s’ouvre désormais aux entreprises en phase de démarrage quel que soit leur secteur d’activité.
« La situation économique est vraiment compliquée, mais nous ­disposons des moyens financiers nécessaires tout en maîtrisant nos risques », soutient Eric Versey pour qui le problème n’est pas celui de l’accès au financement des entrepreneurs. Et d’ajouter : « Il faut trouver les projets qui entrent dans les cases », indique-t-il. En 2013, les structures de la BPI (ex-Oséo Caisse des Dépôts, etc.) ont engagé au moins 1,4 milliard dans l’économie bretonne et ce budget est maintenu en 2014.
Tous les dossiers ne peuvent donc pas être accompagnés. Dans le cadre de l’élaboration de son plan jeunesse, la région a pris conscience que les jeunes sont souvent oubliés et peu soutenus. Avec l’Association pour le droit à l’initiative économique – Adie –, il est prévu la création à court terme d’un prêt d’honneur aux jeunes disposant de peu de ­ressources.
Stanislas Du Guerny

Écrit par STANISLAS DU GUERNY
Correspondant à Rennes



source : http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/finance-marches/actu/0203264909983-les-breizh-angels-debarquent-645127.php?xtor=AL-4003-%5BChoix_de_la_redaction%5D-%5Bles_breizh_angels_debarquent%5D